Rien que du bruit

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Rien Que Du Bruit #52

castelneau.substack.com

Rien Que Du Bruit #52

Aujourd'hui : Romans monstres | Podcasts | Outils d'écriture

Philippe Castelneau
Jun 11, 2022
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Rien Que Du Bruit #52

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Tout d’abord, vous êtes nombreux à vous être inscrits à cette lettre depuis le mois dernier, je vous en remercie et vous souhaite à tous la bienvenue !

Quelques petites choses sur l’écriture ce mois-ci, parce qu’un nouveau projet occupe mon esprit la majeure partie du temps. Pour l’instant, ce sont des notes, des bribes de textes, des intuitions. Beaucoup d’idées se contredisent encore, mais je laisse venir. C’est le désordre qui précède l’écriture : bientôt viendra le moment du travail profond, ce que John Gardner appelle la transe :

Tous les éléments à fusionner dans le moment de transe étaient en place, comme les composants assemblés du corps du monstre de Frankenstein avant la foudre. Ce que je ne peux pas vraiment expliquer, c’est la foudre.

Frankenstein, dit-il ? Ça tombe bien : avec ses excroissances, ses morceaux encore mal cousus, mon livre a tout d’un monstre. De toute façon, comme l’écrivaient Sophie Divry et Aurélien Delsaux dans une tribune parue dans Le Monde en 2018, « pour dire notre époque monstrueuse, il faut des romans monstrueux ! » :

[…] Faut-il le rappeler, faire une narration ne suffit pas à faire un roman. Le roman, c’est une voix, un style, ce sont des symboles, des métaphores, une cohérence artistique. Le roman est l’art du mensonge, de l’artifice, de l’imaginaire ; le roman est la recherche d’une forme sensible qui dira le réel d’une manière médiate et non immédiate, d’une manière originale et non simplement individuelle.

Pour nous, un roman ne se résume pas à un pitch, encore moins à un sujet. Nous ne faisons pas de storytelling. Le roman n’est ni un show, ni une confidence, ni juste un scénario. Et, si écrire a une vertu thérapeutique, elle ne doit pas être centrale. L’important n’est pas seulement de raconter, mais comment on raconte.

[…] Pour dire notre époque monstrueuse, il faut des romans monstrueux ! Des romans difformes qui frôlent la catastrophe, osent la poésie, qui n’aient pas peur de l’inédit et de l’indicible. Nous voulons réveiller la monstrueuse puissance du roman, sa formidable puissance de monstration, capable de « briser la mer gelée en nous » (Kafka). Sinon nous finirons tous reporters, étouffés entre l’autofiction et l’exofiction.

La tribune est à lire ici


Si vous ne connaissez pas Sophie Divry, je vous invite à écouter les 3 épisodes du podcast Bookmakers, les écrivains au travail, qui lui sont consacrés. Forcément, ensuite, vous vous jetterez sur ses livres !

Et forcément, vous vous jetterez également sur tous les autres épisodes du podcast animé par Richard Gaitet.

Bookmakers, les écrivains au travail

Le Monde consacrait en 2020 un article à l’émission, née du premier confinement :

Richard Gaitet en est persuadé : l’écriture peut s’expliquer. Bien décidé à montrer que l’écriture est aussi un artisanat, « contrant ainsi le mythe de l’inspiration divine qui saisirait les auteurs au petit matin chantant », il va cuisiner [les écrivains]. Tenter de comprendre comment s’est fait leur livre emblématique : l’idée première et les recherches, les possibles découragements et la solitude, le rôle de l’éditeur, tout en questionnant, plus généralement, la façon dont se construisent une intrigue et un personnage, ou encore de quoi est fait ce fameux style, cette petite musique qui colle à la peau de Modiano.


« L’écriture est aussi un artisanat ». Voilà bien la seule chose dont je suis sûr : je ne crois pas à l’inspiration, mais je crois au travail et à la concentration.

Assembler patiemment les éléments disparates qui finiront par former le corps monstrueux du livre ! C’est lorsque tout est enfin en place qu’arrive la foudre dont parle plus haut John Gardner.

Ce qu’on ne peut pas expliquer et qui donne corps et vie à votre histoire et à vos personnages. Quelque chose de la transmutation alchimique, qui survient quand l’auteur finit lui-même par croire à l’existence de ses personnages. Non pas qu’ils lui échappent, mais parce qu’ils prennent vie en lui, avant de s’incarner dans les pages du livre, lorsque celui-ci paraît avec le nom de l’auteur sur la couverture.

Il y a là quelque chose du Golem, « l’inachevé », créature d’argile tirée de la mythologie juive, qui prend vie quand on inscrit sur son front le mot “EMET(H)” qui signifie Vérité et qui est aussi l’un des noms de Dieu.

L’auteur ne se prend pas pour Dieu, hein, mais il y a sans doute parfois un petit moment narcissique, quand arrive le BAT qui signifie que le livre est prêt à partir à l’imprimerie, qu’il regarde une dernière fois les pages qu’il vient d’écrire, et qu’il se dit « quand même, c’est pas dégeu ! »

Après, rassurez-vous, tout retombe et notre scribouillard revient à sa condition de misérable humain !

Représentation du rabbin Loew et de son Golem, par Mikoláš Aleš (1899).


Mais revenons à notre artisan laborieux ! Dans un épisode récent du très recommandable podcast Procrastination, Lionel Davoust insiste sur “l’importance des notes et de la capture des idées et fragments qui peuvent venir au hasard, et recommande autant de préparer que de faire confiance aux intuitions quand vient le moment de l’écriture.”

Procrastination

Lionel Davoust préconise la méthode Zettelkasten : “des notes prises séparément, ajoutées au fil du temps lorsque des événements, réflexions ou remarques surviennent, ou lorsque de nouvelles connaissances sont acquises. Les notes sont organisées de façon hiérarchique, de sorte à pouvoir les classer, et contiennent également des métadonnées, permettant de les associer les unes avec les autres. En plus de faciliter les classements d’idées, cette méthode a également pour objectif d’améliorer la créativité. Les références croisées au travers des marqueurs permettent aux utilisateurs de percevoir des connexions et relations entre des unités d’information individuelles, qui ne pourraient pas paraître évidentes dans un contexte isolé.” (Wikipédia)

Nabokov utilisait des fiches Bristol. Davoust utilise le logiciel Scrivener, redoutablement efficace dans cet usage. Dans un autre épisode Bookmakers, Philippe Jaenada confie travailler à partir d’un fichier Word unique de parfois 1000 pages ! Il utilise, dit-il, la barre de recherche pour retrouver des occurrences. Moi, je navigue entre Ulysses et Scrivener. J’en connais un parmi les lecteurs de cette lettre qui organise ses notes… sous forme d’emails. Et vous, avez-vous un logiciel de prédilection pour organiser vos textes ?

N’hésitez pas à répondre à mon petit sondage en ligne, qui vous prendra moins d’une minute. Je vous communiquerai les résultats le mois prochain !

Répondre au sondage


AGENDA & AUTOPROMO :

Le 17 juin prochain, rendez-vous à 19h30 à la librairie La Géosphère à Montpellier pour une rencontre autour de mon roman Motel Valparaiso. (réservation conseillée : librairiegeosphere@gmail.com ou par téléphone au 04 99 06 86 29)

Déjà cité dans Libération fin mai, voici que le livre fait l’objet d’une chronique sur le site En attendant Nadeau, sous la plume de Steven Sampson. Une forme de consécration ☺️.

En attendant Nadeau

Ah ! Et si jamais vous vous posiez la question, la réponse est à portée de clic:

Où acheter Motel Valparaiso ?

Merci de votre attention, et rendez-vous le mois prochain !

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