Rien Que Du Bruit #59
Aujourd'hui : avancer en artiste | Écrire une page par jour | Les Beatles | Alan Moore
Il est 6 h, le dimanche 1er janvier 2023, à l’heure où j’écris ces lignes.
L’année écoulée, comme les deux ou trois précédentes, laisse un goût amer, qui rend difficile la possibilité de se projeter positivement vers l’avenir. Une guerre fait rage à nos portes, la pandémie n’en finit plus de ressurgir, notre planète malade est en surchauffe par notre faute.
Je ne sais pas vous, moi je me sens à la fois coupable et impuissant. Les satisfactions individuelles — et il y en a eu quelques-unes, la parution de mon roman en mars dernier fut par exemple une joie immense — n’arrivent plus à faire pencher la balance du bon côté.
Après avoir tant rêvé les dystopies, nous y voilà : j’ai désormais le sentiment de vivre dans un monde quelque part entre Blade Runner et 28 jours plus tard… Un roman fou, écrit par un auteur démiurge qui, à l’instar d’un George R. Martin, s’amuse à massacrer ses personnages, semblant toujours donner l’avantage aux forces du mal ! On peut espérer, tout de même, une sorte de happy end, mais on sait d’expérience que le prix à payer sera lourd.
Toutefois, j’ai toujours un chat en boule sur les genoux, un livre en cours d’écriture, des projets plein la tête. Mes résolutions pour 2023 ? Continuer d’avancer, et le faire en artiste.
En artiste, œuvrer pour le bien commun en travaillant pour soi ; en travaillant sur soi, laisser sa nature profonde rejoindre la Nature. Renouer enfin avec son intelligence animale, qui n’est pas la bestialité, mais une folie joyeuse, à l’écoute de ses intuitions.
Prendre soin des autres, mais ne pas oublier de prendre soin de soi. Il est peut-être déjà trop tard pour sauver la planète. Comme la lumière du soleil qui met 8 minutes à nous parvenir, notre monde est possiblement déjà mort et nous n’en avons pas encore reçu le signal. Mais tant que nous sommes debout, il nous reste l’espoir. Comme le dit le personnage d’Ambre dans mon roman Motel Valparaiso, à propos des habitants de la mystérieuse Cevola :
« Au moins, ici, ceux qui ont décidé de rester ne se sont pas résignés. »
Et puisque nous sommes encore là tous ensemble en ce premier matin de cette nouvelle année, que nous avons décidé de rester, ne nous résignons pas : luttons, et créons. Bonne année 2023 !
Créons, d’accord. Encore faut-il se lancer. Commençons par écrire une page chaque jour, comme le suggère Austin Kleon :
Écrivez une page par jour pendant un mois, et vous aurez 30 pages. Assez pour un chapitre. Écrivez une page par jour pendant un an, vous voilà avec 365 pages. De quoi faire un roman.
Peut-être que vos trente premières pages ne seront pas terribles. Mais les trente suivantes seront meilleures.
Avec la pratique, on progresse naturellement. Mais c’est dur, on ne va pas se mentir :
Réaliser des choses valables n’est pas seulement un peu plus difficile que ce que les gens pensent ; c’est 10 ou 20 fois plus difficile. (David Wong)
Souvenez-vous de la première chose que vous ayez faite et dont vous étiez si fier. Peut-être qu’elle vous paraît maladroite aujourd’hui. Pour progresser, il faut s’accepter, et accepter de se tromper. Accepter d’être mauvais, pour l’être un peu moins la fois suivante. Et se fixer des objectifs : les résultats viennent de la pratique assidue.
Quand je doute, je réécoute les démos de l’album Revolver des Beatles : des heures et des jours d’hésitations, d’erreurs et de fausses pistes. Salmigondis de notes, gloubi-boulga indigeste… Et un chef-d’œuvre à la fin.
Écouter les Beatles me fait décidément du bien.
Un autre qui écoute les Beatles et dont on peut s’inspirer, c’est Alan Moore.
En 1990, il crée avec le dessinateur Bill Sienkiewicz une série initialement prévue en 12 tomes, Big Numbers, qui décrit les changements socio-économiques provoqués par la mondialisation, à travers le récit de la construction d’un centre commercial par une grande entreprise américaine dans une petite ville imaginaire d’Angleterre, Hampton.
Comme toujours avec Alan Moore, la forme répond à une exigence formelle. Ici, chaque page est disposée suivant une grille rigide de douze cases. L’histoire complexe aborde le colonialisme, les questions de genre, l’impact de la politique économique de Margaret Thatcher, tout cela lié par le symbolisme des mathématiques fractales (eh oui, Alan Moore, quoi !).
Deux numéros seront publiés. Un troisième est achevé, qui ne verra jamais le jour (on le trouve en ligne, en cherchant bien). Sienkiewicz s’est dit dépassé par le projet, et il a jeté l’éponge. Personne n’a été assez fou pour reprendre le flambeau. Une série télé a été un temps évoquée, mais le projet là aussi n’a pas abouti.
Mais Alan Moore ? Dès 1988, il avait couché sur le papier un gigantesque plan, sous forme de grille, décrivant les histoires connexes des différents personnages principaux. Cette grille, on peut la retrouver et s’y perdre des heures durant, grâce à cette incroyable copie zoomable à volonté !
Par ailleurs, l’auteur de bandes dessinées James Harvey a également mis en ligne une version du tableau, plus lisible peut-être, et accompagnée d’annotations tirées de la transcription d’une longue conversation avec Moore sur la série, alors qu’il préparait l’adaptation de Big Numbers en série télévisée.
Impressionnant, non ? Mais vous savez quoi ? C’est en commençant par écrire une page par jour qu’Alan Moore a fini par écrire Big Numbers (et tous ses autres livres) !
Il est 9 h, le jour est levé. Aujourd’hui est un nouveau jour. Une nouvelle année. Tâchons, chacun à notre niveau, de la charger d’espoirs, d’en faire celle de la renaissance. La prochaine fois, je vous parlerai sans doute de photographie ! Rendez-vous dans un mois, et si ça n’est déjà fait :
Bonne année 2023 ! Une fois n’est pas coutume, je vous embrasse 😘!