Je ne considère rien pour acquis. Mais je sais que je veux faire plus de musique. De la musique que je n’aurai pas honte de laisser derrière moi — un travail qui a du sens. — Ryuichi Sakamoto
Le nouvel album de Sakamoto, 12, qui vient de sortir, a été écrit et enregistré au cours d’une période de 13 mois particulièrement difficile, où le compositeur affrontait une seconde fois un cancer. Un album introspectif et dépouillé. Des plages musicales au piano et synthétiseur, titrés selon la date de leur enregistrement. Très peu d’arrangements, et la respiration de Sakamoto délibérément présente (parfois pesante) à l’oreille, qui souligne à la fois l’intimisme et l’urgence de l’enregistrement.
J’ai aussitôt pensé au morceau ´Tis a pity she was a whore, qui figure sur Blackstar, le dernier album de David Bowie. On y entend aussi la respiration du chanteur. Manière de s’affirmer encore vivant, peut-être, face à l’inéluctable échéance. Bowie avait choisi de nous léguer un album extrêmement mis en scène, Sakomoto nous offre un disque tout en retenue, mais la démarche est sensiblement la même.
Je n’ai pas eu à subir d’épreuves aussi dures que Ryuichi Sakamoto. Mais comme lui, je m’interroge sur le temps qui passe — et le temps qui me reste. Les livres qu’il me reste à écrire : un travail qui a du sens.
“La créativité est un drôle de truc”, nous dit Bob Dylan. “Quand on invente quelque chose, c’est là qu’on est le plus vulnérable. Pour être créatif, il faut être insociable et coincé. Pas nécessairement violent et laid, juste inamical et distrait. Autosuffisant et concentré.”
Cependant, comme l’écrit joliment Sophie Divry dans son essai de 2017, Rouvrir le roman, “la solitude dans laquelle se trouve tout écrivain, si elle lui est viscéralement nécessaire, peut aussi considérablement l’affaiblir.”
De fait, dit encore Dylan, “la plupart du temps, je me sens comme un pneu crevé, démotivé, sans vie. Il en faut beaucoup pour me stimuler, et je suis une personne excessivement sensible, ce qui complique les choses. Je peux être tout à fait à l’aise une minute, puis, sans aucune raison, je deviens agité et remuant ; il ne semble pas y avoir de juste milieu.”
Un mot sur mon prochain livre, et je vais à nouveau citer Dylan : “en bonne partie, écrire des chansons consiste à les améliorer”.
C’est la même chose pour l’écriture de romans ! Je vous disais la dernière fois que le premier jet avançait bien. Avant même de l’avoir terminé, me voici parti dans la rédaction d’une nouvelle version. Ne me demandez pas quelle est ma méthode : c’est une horreur et un véritable chaos. Mais, espérons-le, il y aura bien un livre à la fin !
Certains jours, je suis satisfait de ce que j’ai écrit, d’autre fois, je suis face à la page blanche, incapable d’avancer. J’ai une image idéalisée du livre à venir, et je sais que je pourrai au mieux m’en approcher, sans jamais l’atteindre. Souvent, ce qui me touche le plus dans une œuvre, ce sont les imperfections. Je dois m’en souvenir dans mes moments de doute. Et apprendre par cœur cette phrase de Sophie Divry : “le roman trouve son épanouissement dans une certaine impureté.”
agenda :
Rendez-vous le 11 mars prochain, à partir de 11 h, aux anciens salins de Frontignan, pour une ballade littéraire dans le cadre du FIRN, en ma compagnie et autour de mon roman Motel Valparaiso.
Les ballades littéraires du FIRN à Frontignan : une nouvelle façon exceptionnelle et intime, de rencontrer une œuvre, un auteur et un territoire : partez en balade littéraire sur le bassin de Thau avec les meilleure.s romancier.e.s du moment. À pied, en vélo, dans les vignes ou au bord des étangs, dans la garrigue ou sur des friches industrielles, vous embarquez pour une promenade de quelques kilomètres, ponctuée de lectures par les auteure. s puis d’une dégustation des produits du terroir et d’une séance de dédicace. Entrée libre, mais réservation obligatoire.
Le 11 mars, Motel Valparaiso aura tout juste un an, et c’est agréable de se dire que la bête bouge encore !
photographie :
En mars 2020, au retour d’un voyage à Londres, et pour une raison obscure, je me suis retrouvé coincé chez moi quelques semaines. J’ai mis ce temps à profit pour trier et classer mes photos accumulées depuis presque dix ans.
Et puis, coup sur coup, j’ai tout récemment été sollicité deux fois pour l’utilisation de mes photos.
La première, pour un accessoire de cinéma : une fausse jaquette de livre. La seconde pour la couverture d’un recueil de poésie, à paraître prochainement aux éditions Tarmac, et dont je vous reparlerai très certainement bientôt.
La proposition du chef décorateur n’a finalement pas été retenue pour le film à venir, mais je peux vous montrer le projet :
Ça aurait été amusant, tout de même, cette espèce de mise en abime, une photo prise par un écrivain, utilisée pour figurer la couverture du livre d’un auteur fictif !
Enfin, cela m’a amené à revoir mon site web, en développant une extension dédiée à la photo. J’ai même écrit un manifeste (quitte à se lancer, autant le faire avec panache) !
Ça commence comme ça :
La photographie aussi est une forme d’écriture. C’est pour moi une forme de méditation en mouvement, une manière autre de regarder le monde, d’accrocher le regard aux choses. Elle m’oblige à m’arrêter et à être sensible aux moments fugaces, à l’énergie des couleurs, d’une ambiance. Des choses qu’avant je ne voyais pas. Et ça nourrit mon écriture !
C’est à lire ici. Vous pourrez également y voir une partie de mon travail, regroupé en portfolio… Work in Progress, il n’y a pour l’instant pas grand-chose, et tout cela est appelé à être encore modifié.
Merci de me lire. Cette lettre est une publication entièrement financée par ses lecteurs. La meilleure façon de la soutenir est d’acheter mes livres, ou de devenir un abonné payant :